Les sirènes jusqu’à la lie
(veille du bombardement)
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Purgez-moi ces cafards
au fond de scintillants trous de chiottes
a t-on entendu dire
un bon coup de serpillère
ne ferait pas de mal à cette civilisation du fusil d’assaut.
Lave nos péchés dans la sainte rivière de
notre pardon et
cesse ce hasardeux jeu tapis de bombes
foules haut-perchées déversant leur sale feu brûlant
comme du sirop d’érable sur le doux gâteau Terre.
Frit menu fretin des couronnes d’Europe
rangs serrés, bras joints
alors que les armes coulent dans les pâturages de vin doux
plus vite que ces
yeux d’infidèles ne pourraient s’assagir au
son du rugissant silence…
Les sirènes jusqu’à la lie
cœur battant
chaque souffle est un dernier vent iridescent
nous conduisant jusqu’à nos sièges au rez-de-chaussée du
théâtre des horreurs enfantées.
Sombres yeux crépusculaires
les guillerets brigadiers
patrouillant la Rue des Martyrs
…le prochain.
À travers les rideaux de cendres ma paupière doucement descend
la sombre éternité des rues pluvieuses
les silencieux réverbères
les portes battantes sacrées
des corps
alignés - course en sacs à patates sur une seule ligne
jusqu’à l’extinction
l’enfant de quelqu’un,
tressé dans un
un lit brodé de flammes antiques.
Les sirènes jusqu’à la lie
les cambrioleurs poètes de l’âme objectivent leur
sauce de fumoir
tente marquée bougie se consumant.
Orphelins sans sommeil des
orages du désert de minuit
grenade sautillante en essaims de verre soufflé
cap plein ouest
des lapins de labo de neuroscience se font la belle
mâchonnant de la tarte aux carottes uzi
dans les jardins où se planquent les statues régaliennes, et
il faut en finir avec le baratin…
Baises à la missionnaire pré-Masters & Johnson au menu
Une poupée Jésus opine du chef devant les bédouins
ananas renégats, pommes d’amour carillonnent.
L’aboyeur braille crescendo
le chaos pond des bébés
aussi vite que d’épineuses reines adolescentes
perpétuant leur offrande d’antiques hurlements.
L’humanité se passe le calumet
nous sommes tous de sombres insectes moustachus de piñata
rampant dans les jardins les uns des autres
chenille fumante dansant le watusi
au cœur de jardins illuminés d’orange
balançant des je vous salue Marie au ciel acide du crépuscule
Liberté, égalité, retraite
ombres sur murs décrépis
peignons les grenades avec des fleurs d’ânes
en matant Dick Cheney s’astiquer jusqu’à pas d’heure,
des pâquerettes dégoulinant d’une bouche soyeuse en canon de fusil.
allons-y -
soufflons un écran de fumée sur ce monde en mutation
chantons et dansons
accrochons une rose rouge sur
l’éternel Jack Frost plastiquant l’arbre de Noël
étreignons les échos d’un tendre et bleu Allah
illuminons les corridors d’infirmeries délabrées,
faisons tourbillonner cette souriante dreidel
sur l’occiput des défoncés de Jerusalem
au-dessus des stèles plaquées or, processions à la bougie
où une sirène pleure du fond sombre de sa mer perdue
fuyons le destin de Frankenstein
avant de partir à la dérive mes jolis
avant de partir à la dérive…

" Dans la soirée du 13 novembre 2015, j'étais chez moi dans mon appartement à Paris, quand un balai d'hélicoptères et les sirènes d’ambulances ont commencé à emplir l’air et les rues. Il devenait clair que ce n'était pas le samedi habituel de la police de nuit et ses routiniers contrôles d’identités et arrestations.
En tant qu'expatrié américain, j'étais tout à fait sourd aux bruyantes sirènes, étant donné que dans ma ville natale aux États-Unis, les meurtres sont un événement assez courant. Alors que la curiosité me gagnait, et que cherchais à savoir ce qui se passait, je ne réalisais pas vraiment.
Les événements de cette nuit-là ont créé un basculement du paradigme de la vie quotidienne et de la conscience des parisiens. À certains égards, je l’ai ressenti comme le dernier clou enfoncé dans le cercueil de toute l'innocence se cachant dans les ombres et les lumières roses de cette ville dorée.
Alors que les horribles détails affluaient, ma famille et moi-même sommes restés assis, en état de sidération et d’incrédulité. Durant les heures et les jours qui suivirent, l'incrédulité a cédé la place à l'horreur et à la douleur qui ont englouti collectivement la ville.
Dans le sillage de ce moment terrible, pris par l’émotion, j’ai écris ce poème : “Les sirènes jusqu’à la lie”.
Michael D. Amitin